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Barrick Gold est à nouveau dans l’eau chaude en Argentine. À Buenos Aires, un juge fédéral étudie la possibilité de faire fermer définitivement la mine d’or Veladero qu’elle opère dans la cordillère des Andes, après qu’elle ait admis un troisième déversement toxique en moins de deux ans.
Le 28 mars, une rupture de canalisation a engendré un déversement de matériaux contaminés au cyanure. Selon Barrick Gold, l’incident a été contenu sur le site de la mine et « n’a mis en péril ni l’environnement ni la santé des gens », assure le porte-parole de l’entreprise à Buenos Aires, Miguel Martin. Il indique que la compagnie prépare un plan d’amélioration de ses installations, en collaboration avec la province de San Juan, afin d’éviter que ce type d’incident se reproduise.
Mais pour le juge fédéral Sebastian Casanello, trop c'est trop. Dans une déclaration officielle, il estime que la succession d’« incidents de contamination » « oblige à considérer de façon définitive la fermeture (de la mine), car ce sont les faits dans leur réalité la plus crue qui démontrent que les mesures de préventions ont échoué ». En Argentine, les juges ont le pouvoir de surveillance et peuvent donc enquêter de leur propre chef. Le juge Casanello a donc lancé une enquête qui pourrait déboucher sur des accusations formelles en cour fédérale argentine.
« C’est une folie ce qui se passe là-bas, c’est un désastre », complète Me Enrique Viale, président de l’Association argentine des avocats en environnement et conseiller à la commission des ressources naturelles du Sénat. Il explique que selon le Code minier argentin, au troisième incident grave, l’État doit procéder à la fermeture définitive de la mine.
Le ministre fédéral de l’environnement, Sergio Bergman, a pour sa part requis devant la justice non pas la fermeture, mais la suspension temporaire des activités de Veladero. Cette mesure provisoire avait toutefois déjà été prise par la province de San Juan qui a autorité sur les affaires minières, comme le souligne Barrick Gold elle-même. «L’organisme national (le ministère de l’Environnement) n’a pas compétence en matière de ressources naturelles », insiste le porte-parole Miguel Martin qui ajoute que le juge fédéral Casanello n’a pas non plus autorité sur les affaires de la mine.
Glaciers en péril
Si le juge Casanello n'a en effet pas juridiction sur la gestion des ressources naturelles, il a le pouvoir de faire respecter la Loi des glaciers, une loi fédérale qui interdit toute exploitation minière à ciel ouvert dans les zones où se situent des glaciers et autour d’elles (zones dites périglaciaires). Le magistrat a réclamé une série de documents afin de déterminer formellement si Veladero se situe ou non en zone glaciaire ou périglaciaire, auquel cas elle serait dans l'illégalité. C’est sur cette base que le juge Casanello pourrait ordonner la fermeture de la mine, explique Me Viale.
Le ministre Bergman n’a pas répondu à la demande d’entretien de l’Observateur national. Néanmoins, par voie de communiqué, il indique qu'un autre déversement n’est pas exclu. Un tel évènement « impliquerait un danger potentiel pour les rivières interprovinciales, les nappes d’eau souterraines et des corps de glace compris dans l’inventaire national des glaciers », craint le ministre en se basant sur des rapports techniques qu’il a en main.
Les glaciers représentent une part considérable des réserves hydriques de l’Argentine. « Toutes nos rivières, nos cultures, notre écosystème dépendent d’eux », explique Gustavo Herrmann, un des leaders de l’organisation Jachal no se toca (On ne touche pas à Jachal).
Au village de Jachal, situé en aval de la mine, les habitants sont périodiquement privés d’eau potable. Le groupe Jachal no se toca accusent Barrick Gold de contaminer les rivières et les nappes d’eau souterraines en laissant s’échapper du cyanure, de l’arsenic et des métaux lourds dans l’environnement. En soutien à l’organisation, depuis avril 2016, plus de 270 000 personnes ont signé une pétition mise en ligne par Greenpeace Argentine pour exiger du président argentin la fermeture de Veladero. Pour l'ONG comme pour Jachal no se toca et Me Viale, il n'y a pas de doute que Veladero empiète sur un glacier.
Ottawa nommera un ombudsman
À Ottawa, le député John McKay annonce à L’Observateur national que les opposants à la mine auront bientôt une nouvelle instance à qui s’adresser. L’auteur du projet de loi C-300 révèle que le gouvernement Trudeau s’apprêterait en effet à nommer un ombudsman pour le secteur minier. Ce dernier préconisait dès 2010 l’imposition de sanctions aux minières canadiennes engagées dans des activités illégales à l’extérieur du pays.
« Le gouvernement Trudeau travaille fort » sur le dossier de la nomination d’un ombudsman du secteur minier, indique M. McKay. « Je peux dire que c’est pour cette année », poursuit-il sans vouloir indiquer de date précise afin d'éviter la critique.
En décembre, M. McKay avait indiqué au Hill Times que la nomination de l’ombudsman serait en vigueur en mars. Toutefois, l’élection de Donald Trump à la Maison-Blanche a bouleversé les plans, explique-t-il. « Toutes les ressources ont été dédiées à comment s’occuper de M. Trump », souffle le député.
M. McKay prévient que les sanctions que pourra imposer l’ombudsman seront significatives. Il explique que la sanction passerait par l’ambassade. L’entreprise se verrait retirer les services de conseil, de représentation et de promotion de l’ambassade. Il ajoute que l’entreprise pourrait aussi se voir retirer le droit au financement de la part d’Exportation et développement Canada (EDC). Cette sanction ultime pourrait avoir un impact dévastateur. En effet, EDC a fourni un soutien clef à Barrick Gold pour Veladero. En 2004, elle lui a accordé un prêt de 60 M$ US en plus d’une couverture d’assurance de risque politique.
Questionné par L’Observateur national, Affaires mondiales Canada n’a pas confirmé la nomination prochaine de l’ombudsman. La porte-parole Natasha Nystrom s’est contentée de déclarer que « le gouvernement du Canada s’attend à ce que toutes les sociétés canadiennes mènent leurs activités conformément avec la loi et en respectant les valeurs du Canada ».
Un nouveau joueur se profile toutefois à l’horizon : l’entreprise chinoise Shandong Gold a offert 960 M$ US pour prendre le contrôle de 50 % de Veladero. Barrick Gold en a fait l’annonce le 6 avril. Se voulant rassurant, le porte-parole Miguel Martin explique que Shandong Gold a été nommée « Compagnie nationale amie de l’environnement » et que onze des mines qu’elle exploite ont reçu le titre de « Mines nationales vertes ». Ces titres ont été octroyés à la minière par l'État chinois.
Mais, à Buenos Aires, les lauriers chinois ne disent rien qui vaille à Me Viale. « Nous voyons l’arrivée des Chinois avec énormément de préoccupations, dit-il. L’État chinois est un acteur bien plus complexe qu’une entreprise privée canadienne et chez eux, il n’y a pas de conscience environnementale. »
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